Jacques Delaine : « À 60 ans, cap sur l’événementiel : nouveau défi, même énergie »

par | 19 Sep, 2025 | Interview

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Entretien avec Jacques Delaine, Directeur Général de Dijon Bourgogne Events

Vous avez dirigé pendant plus de trois décennies des projets majeurs dans le bâtiment. Qu’est-ce qui vous a amené à prendre la tête de Dijon Bourgogne Events ?
J’ai réalisé toute ma carrière au sein du groupe Eiffage, que j’ai intégré en 1989 comme ingénieur d’études. J’y ai gravi les échelons au fil des années, jusqu’à occuper, pendant plus de 10 ans, le poste de directeur régional pour la région Grand Est. J’ai eu la chance de piloter de nombreux projets structurants, notamment à Dijon : la Toison d’Or, l’auditorium, le rectorat, l’hôpital, ou encore la Cité internationale de la gastronomie et du vin, qui font aujourd’hui partie intégrante de la ville. Et puis, la vie professionnelle connaît parfois des tournants. Après plus de 33 années d’un engagement continu, une page s’est tournée. C’est dans cette phase de transition que François Rebsamen m’a proposé de prendre la direction du Parc des Expositions. Une opportunité qui, bien qu’inattendue, fait sens. J’avais déjà participé à la réalisation de plusieurs équipements similaires à Reims et à Metz.

Plus qu’une suite logique, cette nouvelle fonction incarne une forme de renouvellement. À 60 ans, j’avais besoin de sortir de ma zone de confort et de découvrir un autre univers – cap sur l’événementiel. Je reste fidèle à ce qui a toujours animé mon parcours : bâtir, rassembler les talents et œuvrer pour le territoire. Un esprit de bâtisseur tourné vers l’avenir.

Vous évoquez une « nouvelle langue » en référence à l’événementiel. Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce secteur ?
L’événementiel est un univers extrêmement dynamique, qui repose sur des temporalités courtes, une réactivité permanente et une exigence d’exécution immédiate. C’est un secteur où chaque projet doit générer de l’impact, en temps réel. On crée un événement qui n’aura lieu qu’une seule fois dans l’année, tout se joue sur quelques jours, parfois quelques heures. L’événementiel est éphémère, mais doit provoquer un engagement immédiat. Cela suppose que l’expérience du public soit au cœur de tout.

C’est une autre façon d’aborder les projets, ici tout repose sur l’instant vécu, sur l’ergonomie du parcours visiteur, la qualité de l’accueil, l’atmosphère, le ressenti. C’est un nouveau challenge qui me stimule beaucoup, tout en faisant appel à des compétences que je connais bien car il y a aussi de vrais parallèles avec le bâtiment : on part d’un besoin, on structure un projet, on pilote des prestataires, on coordonne des équipes pluridisciplinaires, et surtout, on livre à date fixe, sans marge d’erreur. Dans les deux cas, on travaille pour un client et un utilisateur final au cœur de la démarche.

DBE a enregistré des résultats impressionnants cette année. Quel bilan tirez-vous de cette première phase ?
2024 a été une année charnière. Dijon Bourgogne Events est une structure jeune, en cours de structuration, avec une équipe très engagée qui développe à la fois des événements en propre – comme la Foire, le Salon de l’Habitat ou des salons thématiques – et accueille des congrès, salons ou manifestations professionnelles.

Nous avons dépassé les 300 000 visiteurs, avec plus de 130 événements accueillis (+30 % par rapport à l’année précédente) et un chiffre d’affaires de 6,8 millions d’euros. La Foire Gastronomique, événement historique, à elle seule a rassemblé 170 000 visiteurs. Mais notre ambition ne s’arrête pas là : nous devons aussi inventer de nouveaux formats, plus immersifs, plus responsables, et mieux connectés aux attentes du public et des professionnels.

Quelles sont vos ambitions pour la suite ?
Nous voulons aller plus loin : élargir l’offre, diversifier les formats et renforcer l’attractivité du site tout au long de l’année. Nous travaillons sur de nouveaux rendez-vous autour de thématiques fortes comme le vin, la bière, la brocante ou encore les fêtes de fin d’année.

Nous relançons aussi des événements professionnels à fort potentiel, comme le Salon RH ou Apprentissimo, qui répondent à de vrais besoins sur le territoire. L’équipe est jeune, engagée, avec une belle capacité d’innovation. Mon rôle est de canaliser cette énergie avec une vision long terme : créer une programmation cohérente, lisible, structurée. Anticipation, structuration opérationnelle et vision stratégique sont les piliers de notre démarche. C’est cette rigueur qui nous permettra de construire une offre solide, renouvelée et à la hauteur des attentes d’un public toujours plus exigeant.

Un projet structurant se profile : la grande rénovation du site. Que pouvez-vous nous en dire ?
Le chantier de transformation du Parc des Expositions, estimé à 62 millions d’euros HT, débutera en 2027 pour s’achever vers 2030. Le Parc a besoin d’évoluer. Il fonctionne encore, mais il est vétuste, et inadapté à certaines demandes, notamment les congrès de grande envergure. Nous allons créer une salle plénière de 2 500 places, contre 600 aujourd’hui, ce qui limitait fortement notre capacité d’accueil.

Il s’agit d’une restructuration complète, sans agrandissement, mais avec des évolutions majeures : une nouvelle entrée, une salle plénière de 2 500 places, une performance énergétique renforcée, et une meilleure modularité des espaces notamment avec une meilleure mutualisation du Palais des Congrès. Nous avons une position géographique stratégique, avec le tram à 8 minutes de la gare. L’objectif est de faire de Dijon une destination événementielle leader des métropoles intermédiaires, en cohérence avec notre capacité hôtelière et nos ambitions territoriales.

Comment allez-vous assurer la continuité des activités pendant les travaux ?
C’est une condition essentielle : maintenir l’activité tout au long du chantier, qui devrait débuter début 2027. Nous avons suffisamment de surface pour fonctionner par phases, en adaptant l’agenda. La Foire Gastronomique, en particulier, imposera l’arrêt temporaire des travaux.

Ce sera un défi de coordination entre tous les intervenants, car nous allons devoir travailler « en site occupé ». Le chantier sera complexe non pas techniquement, mais humainement. Ce type de chantier demande de l’écoute, de l’adaptabilité, et une bonne dose d’intelligence collective. Ce ne sera pas facile, mais c’est possible.

Selon vous, quels sont les principaux atouts et défis de Dijon Bourgogne Events aujourd’hui ?
Notre localisation est un vrai atout. Dijon, la Bourgogne, sont des marques fortes. On parle ici d’un outil qui injecte 50 à 60 millions d’euros dans l’économie locale, soit environ 200 € moyen de retombées par visiteur. Notre mission, c’est aussi de créer un effet de rebond : faire venir des professionnels pour qu’ils reviennent ensuite en famille.

Mais nous faisons face à une concurrence accrue, notamment par la multiplication de lieux tournés vers le tourisme d’affaires sur l’ensemble du territoire. Le métier évolue. Il faut se démarquer, proposer des formats hybrides, plus technologiques, plus immersifs et connectés, adaptés à des publics variés, tout en intégrant les enjeux de développement durable. L’expérience visiteur devient centrale.

Lara Lazare

Jacques Delaine

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