par Mario Barravecchia | 19 Mar, 2025 | Interview
Vous êtes aujourd’hui une jeune femme de 37 ans, dont la vie a bousculé il y a encore peu de temps avec cette annonce et ce diagnostic… J’imagine que les choses se sont bousculées dans votre tête.
Bien sûr, on ne s’attend jamais à une telle nouvelle lorsqu’on va voir son médecin pour une sensation de faiblesse dans la main. Moi qui pensais naïvement avoir une tendinite, je me retrouve à passer une batterie de tests et d’analyses durant trois jours à l’hôpital jusqu’à ce qu’on m’informe du verdict, cette maladie de Charcot (ou Sclérose Latérale Amyotrophique-SLA, qui se traduit par une affection dégénérative du système nerveux central et une disparition progressive des cellules qui commandent les muscles volontaires), qui touche davantage les hommes à partir de 60 ans, et surtout, qui est incurable… Me voilà confrontée à appréhender cet énorme bouleversement dans ma vie et à devoir vivre avec. Il y a forcément beaucoup de sentiments d’incompréhension et d’injustice qui défilent, mais, aujourd’hui, j’ai dépassé ces étapes. J’ai trouvé mon traitement à moi, c’est celui d’évoquer cette maladie dans mon entourage et bien au-delà à travers des actions que je mène avec l’association ARSLA (Association pour la Recherche sur la SLA). Je me suis tout de suite rapprochée d’eux et j’ai proposé mon aide, sous toutes les formes possibles. Je me suis sentie tellement soutenue que j’ai eu envie de transmettre toutes ces bonnes ondes à d’autres et j’ai eu envie de devenir actrice de ma vie en lui donnant du sens. Je voulais aller secouer les gens, leur parler de ma maladie, leur parler de l’absence de traitement, de cette espérance de vie très faible (3 à 4 ans), de ces symptômes qui vous rendent la vie quotidienne si difficile. J’ai décidé qu’il fallait aller chercher l’argent et, pour cela, il fallait que je me rende disponible auprès de tous.
En effet, vous êtes ambassadrice au sein de l’ARSLA. Quel est votre rôle ?
Oui et je siège également au conseil d’administration. Cette association a besoin de mécènes, elle a besoin de fonds pour accompagner les malades dans l’acceptation et la transition vers leur nouvelle vie et, pour cela, il lui faut des fonds pour investir dans la recherche. C’est un calcul simple. Trouver un traitement ou faire une quelconque avancée ne se feront pas sans argent alors je m’attèle à me rendre dans les entreprises, notamment dans ma région natale d’Annecy, pour échanger avec elles et présenter nos attentes. Je mobilise mon réseau personnel, mon employeur Clarins, et encore plein d’autres et je suis si heureuse de voir l’accueil si positif que je reçois. Mis bout à bout, tous ces événements, toutes ces manifestations, permettent à l’association de fédérer autour de la maladie et de susciter le don. C’est ma victoire que de voir les gens m’écouter, échanger ensemble et se sentir concernés par quelque chose qui paraît encore si abstrait.
Comment expliquez-vous cet accueil chaleureux que vous recevez alors que les gens sont sollicités par bon nombre d’associations ?
Je pense que les gens ne comprennent pas pourquoi il n’y a aucun traitement et je vous avoue que moi aussi quand je vois qu’en trois mois, on a créé un vaccin contre le Covid, totalement méconnu… La maladie de Charcot est détectable depuis 160 ans. C’est une vieille maladie et la seule réponse que nous ayons pour l’instant est un médicament, le Riluzole, qui réduit de 10 % les souffrances, quelle révolution ! Il y a une vraie méconnaissance de cette pathologie, tristement, et au-delà de mon souhait de vouloir la guérir, je voudrais la prévenir. Mais, même à ce niveau-là, on ne l’explique pas. Elle déboule de manière inattendue dans votre corps et il n’y a pas de terrain médical propice. C’est pire que tout ! Cela veut dire qu’on peut tous devenir sujet à cette maladie et je ne veux absolument pas de ça ! Alors, je veux frapper fort. J’ai pu rencontrer Brigitte Macron dernièrement et lui faire part de mes aspirations. L’ARSLA investit deux millions d’euros chaque année, mais, sincèrement, les avancées sont si minces. J’ai envie d’aller frapper à d’autres portes afin d’éclaircir les générations à venir. Ce combat est ma thérapie.
Votre discours est très touchant et impactant. Où trouvez-vous cette motivation ?
J’ai besoin de me sentir utile et c’est désormais ma raison de me lever chaque matin. Je sens que je perds en énergie, que mes muscles s’atrophient, mais pas dans la tête. Je ne suis pas prête de me laisser dépasser par cette maladie, qui prendra forcément ses droits à un moment donné, mais, tant que j’ai l’énergie, je serai présente. Avec Mario, nous avons ce combat commun que nous avons bien représenté à l’émission Ford Boyard, et ce sont ces types de moments que j’ai à cœur de vivre. Être dans le flou de sa vie n’est déjà pas évident, je ne veux pas être happée par de la négativité ou du pessimisme. Les chercheurs font un boulot fou et, à mon niveau, je veux les encourager à travailler dans les meilleures conditions. Je vois que mon message fait boule de neige, alors je vais continuer !
Avez-vous d’autres projets futurs ?
J’organise les 24 h du Lac d’Annecy les 14 et 15 juin. C’est un tour du lac à vélo sur 24 heures avec 100 dossards solidaires distribués que l’on peut se transmettre sur les réseaux sociaux et faire grimper la cagnotte. C’est la 2e édition et l’an passé, nous avions récolté 90 000 €. J’espère pouvoir doubler cette somme ! C’est un jour spécial qui me tient à cœur, car c’est une jeune demoiselle, Océane, qui l’avait initié en 2023 pour son papa, malheureusement décédé depuis. Nous sollicitons du monde pour faire honneur à cette jolie course. De plus, j’ai également terminé mon livre ! Oui ! Il sortira en avril. C’est le témoignage de ma vie, de mes expériences personnelles, et évidemment de ce moment où ma vie prend une autre tournure… J’y explique comment tourner la clé dans la serrure ou tenir le téléphone deviennent des tâches, pourtant si anodines, mais qui sont si difficiles pour moi. Je me sens prête à faire rentrer les gens dans mon intimité.
Charlène Raverat
Instagram : lavieestbelle_sla
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